histoire de houphouet boigny partie 1

Publié le par MOUKILI LE LION

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Félix Houphouët-Boigny (serait né Dia Houphouët le 18 octobre 1905 à N'Gokro (Yamoussoukro) selon la biographie officielle - mort le 7 décembre 1993), surnommé « le sage » ou même « Nanan Boigny » ou « Nanan Houphouet » ou encore « le Vieux » (au sens africain du terme), est le « père » de l’indépendance de la Côte d’Ivoire.

Successivement chef traditionnel, médecin, planteur, leader syndical, député ivoirien en France, ministre de gouvernements français, président de l'Assemblée nationale ivoirienne, maire d'Abidjan, Premier ministre ivoirien et premier président de la Côte d'Ivoire de 1960 à 1993, Félix Houphouët-Boigny tient un rôle de premier ordre dans le processus de décolonisation de l'Afrique, et domine jusqu’à la fin de sa vie, la scène politique de son pays natal.

Partisan de la Françafrique (une étroite collaboration avec l’ancienne métropole, on lui prête d'ailleurs la paternité de ce terme), il parvient de cette façon à développer économiquement la Côte d’Ivoire, notamment dans le secteur agricole, faisant de son pays un îlot de prospérité dans un continent miné par la pauvreté ; on parle alors de « miracle ivoirien ». Mais si l’exportation de cacao et de café a fait la richesse de la Côte-d’Ivoire, elle provoque également ses difficultés dans les années 1980, après la chute brutale des cours des matières premières. Dès lors, son régime dictatorial, miné par une corruption endémique, devient de plus en plus insupportable pour la population touchée de plein fouet par la crise économique dont les impacts se font encore sentir, aujourd’hui, dans le pays.

Toutefois, cette coopération avec la France ne s’arrête pas au seul plan économique ; conjointement avec les services secrets de l’ancien colonisateur, il mène une politique africaine controversée qui se traduit par un soutien inconditionnel et mutuel des deux pays, dans chaque nouvelle « aventure » où ils s’impliquent. Houphouët-Boigny, l’homme de la France en Afrique, se taille de cette manière, une place toute particulière sur la scène africaine, notamment en Afrique francophone et dans le Golfe de Guinée où son influence fut grande.

 

Les années de formation 

Origines et éducation

Félix Houphouët-Boigny naît, selon sa biographie officielle, le 18 octobre 1905 à N'Gokro[1]. Toutefois, un doute subsiste sur l’exactitude de cette date ; chez les Baoulés, son ethnie d’appartenance, l’état civil n’existait pas encore à l'époque et il est donc fort probable que sa naissance soit antérieure à 1905[2].

Originaire de la tribu animiste des Akouès, il est le fils d’un dénommé Houphouët[3] qui lui donne à l’origine comme prénom Dia, pouvant signifier, dans sa langue, prophète ou magicien[3]. Le nom de son père provient du baoulé ufué. Ce nom expiatoire est donné aux enfants nés aux abords d'un village ou dans une famille où plusieurs enfants sont morts successivement avant sa naissance[4]. De son nom d'origine Dia Houphouët, il y ajouta le nom Boigny signifiant le bélier en baoulé[4]. Dia Houphouët-Boigny est le petit-neveu de la reine Yamousso et du chef du village, Kouassi N'Go[3]. Lorsque ce dernier est assassiné en 1910, le jeune Dia est appelé à lui succéder à la tête de la chefferie[3]. Mais, en raison de son jeune âge, son beau-père Gbro Diby (son père étant déjà mort) devient régent[5].

Compte tenu de son rang, l’administration coloniale décide de l’envoyer à l’école du poste militaire de Bonzi situé près du village[5] puis, en 1915, à l’école primaire supérieure de Bingerville, ce malgré les réticences de sa famille[3]. Cette même année à Bingerville, il se convertit au christianisme, considérant cette religion comme le signe de la modernité et un obstacle à l'islamisation ; il se fait baptiser Félix[3].

Brillant élève, il intègre, en 1919, l’École normale William Ponty où il obtient son diplôme d’instituteur[5] et enchaîne, en 1921, avec l’École de médecine de l'AOF dont il sort major en 1925[1]. Mais ses études de médecine sont incomplètes et Houphouët ne peut prétendre qu'à la carrière d'un « médecin africain »[6], sorte de médecin au rabais[2].

Un « médecin africain » engagé
Un cacaoyer avec les gousses de fruits à différents stades de maturation.

Le 26 octobre 1925[5], Houphouët débute sa carrière en tant que médecin-auxiliaire à l’hôpital d’Abidjan[7] où il fonde une « Amicale » regroupant le personnel médical indigène[3]. L’entreprise tourne court ; l’administration coloniale voit d’un très mauvais œil cette association qu’elle assimile à une formation syndicale[3] et décide de le muter, le 27 avril 1927[5], au service de Guiglo où les conditions sanitaires sont particulièrement éprouvantes[8]. Toutefois, faisant preuve de véritables aptitudes professionnelles, il est promu à Abengourou, le 17 septembre 1929[5], à un poste réservé, jusque là, aux européens[3].

À Abengourou, Houphouët est confronté aux injustices dont sont victimes les cultivateurs de cacao indigènes exploités par les colons[9]. Décidé à agir, il prend la tête, en 1932, d’un mouvement de planteurs africains hostile aux grands propriétaires blancs et à la politique économique du colonisateur qui les favorisent[2]. Le 22 décembre[9], il rédige, sous un pseudonyme, un article engagé « On nous a trop volés » qui paraît dans un éditorial socialiste[7] publié en Côte d’Ivoire, le « Trait d’union »[9].

L’année suivante, Houphouët est appelé par sa tribu à prendre ses fonctions de chef de village[5] mais, préférant poursuivre sa carrière, il se désiste en faveur de son frère cadet Augustin[10]. Cependant, afin de se rapprocher de son village, il obtient sa mutation à Dimbokro le 3 février 1934[5] puis à Toumodi le 28 juin 1936[5]. Si jusque là, Houphouët a fait preuve de réelles qualités professionnelles, son attitude déplait ; en septembre 1938, son chef de service lui demande de choisir entre son poste de médecin et son engagement dans la politique locale[9]. Le choix sera vite fait puisqu'en 1939, son frère décède et il lui succède à la tête de la chefferie[3].

Un chef de canton et un leader syndical[modifier]

En devenant chef, Houphouët devient l'administrateur du canton d’Akouè, représentant trente-six villages[3]. Il reprend également en charge la plantation familiale qui est alors l'une des plus importantes du pays, et parvient à la développer en diversifiant les cultures de caoutchouc, de cacao et de café[3] ; il devient ainsi un des plus riches planteurs africains[2].

Le 3 septembre 1944[3], il fonde, en accord avec l’administration coloniale[3], le Syndicat agricole africain (SAA) dont il devient le président. Regroupant les planteurs africains mécontents de leur sort[6], le SAA, anticolonialiste et antiraciste[2], revendique de meilleures conditions de travail, une hausse des salaires et l’abolition du travail forcé[3]. Ce syndicat rencontre rapidement le succès et reçoit l’appui de près de 20 000 planteurs[3], ce qui déplait fortement aux colons qui vont jusqu'à porter plainte contre Houphouët[5]. L’écho de ce syndicat est tel qu’il se rend, début 1945, à Dakar pour expliquer la démarche du SAA au gouverneur général de l’AOF, Pierre Cournarie[3].

En octobre 1945, Houphouët est projeté sur la scène politique ; le gouvernement français, décidé à faire participer ses colonies à l’assemblée constituante, organise l’élection de deux députés en Côte d’Ivoire : l’un représentant les colons, l’autre les autochtones[3]. Houphouët se présente et, grâce aux nombreux soutiens qu’il a acquis par son action syndicale, est élu au premier tour avec plus de 1 000 voix d’avance[1]. Malgré cette victoire, l’administration coloniale décide d’organiser un second tour, le 4 novembre 1945, qu'il remporte avec 12 980 voix sur 31 081 suffrages exprimés[1]. Pour son entrée en politique, il décide d’ajouter Boigny, signifiant « bélier » (symbole de son rôle de meneur)[3] à son patronyme, devenant ainsi Félix Houphouët-Boigny.

Un acteur majeur de la scène politique française

Un député plaidant la cause des Africains
Le Palais Bourbon

Au Palais Bourbon, Houphouët-Boigny est nommé membre de la Commission des territoires d'outre-mer[1]. Il s'attelle à mettre en application les revendications du SAA. Un projet de loi tendant à la suppression du travail forcé est ainsi proposé le 1er mars 1946 à l’Assemblée et adopté en 1947 sous le nom de loi Houphouët-Boigny[1]. Le 3 avril 1946, il propose d’unifier la réglementation du travail dans les territoires d'Afrique ; ce sera chose faite en 1952[1]. Enfin, le 27 septembre 1946, il dépose un rapport sur le système de santé des territoires d'outre-mer qu’il invite à réformer[1].

Houphouët-Boigny milite également en faveur de l’Union française. Ce projet qui prévoie d'ériger les colonies en des départements et territoires français, est loin de faire l’unanimité chez les parlementaires métropolitains qui craignent de voir la France devenir la colonie de ses colonies[1]. Tentant de les rassurer, Houphouët-Boigny leur répond qu’il n’existe, « à l’heure actuelle », aucun risque pour que les Africains submergent les parlementaires européens, mais qu’en revanche, une telle union permettrait de stopper la double politique menée par la France : l’une « métropolitaine et démocratique », l’autre « coloniale et réactionnaire »[1].

Après l’adoption de la constitution de la IVe République, il est réélu sans difficulté avec 21 099 voix sur 37 888 des suffrages exprimés[1]. Toujours membre de la Commission des territoires d'outre-mer (dont il devient secrétaire en 1947 et 1948), il est nommé, en 1946, à la Commission du règlement et du suffrage universel[1]. Le 18 février 1947, il propose de réformer en profondeur le système des conseils généraux des territoires de l'AOF, de l'AEF et du Conseil fédéral afin qu’ils soient plus représentatifs des populations autochtones[1]. Il réclame également, à de nombreuses reprises, la création d'assemblées locales en Afrique afin que les indigènes puissent faire l'apprentissage de leur autonomie et de la gestion[1].

Le fondateur du RDA et la période communiste

Le 9 avril 1946[11], Houphouët-Boigny transforme, avec l’aide des Groupes d’études communistes d’Abidjan, le SAA en Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI)[12]. Ce dernier devient lui-même, après le Congrès de Bamako du 18 octobre 1946, une section territoriale du tout nouveau parti inter-africain : le Rassemblement démocratique africain (RDA) dont il est le président[13].

Pas assez nombreux pour former un groupe parlementaire[14], les élus africains sont contraints à s’apparenter à un des grands partis existants pour pouvoir siéger au Palais Bourbon[7]. Le RDA s’affilie alors avec les communistes, seule formation politique ouvertement anti-colonialiste[2]. Houphouët-Boigny justifie lui-même cette alliance par le fait qu’elle semblait, à l’époque, être la seule solution pour se faire entendre :

« Dès avant la création du RDA, cette alliance avait servi notre cause : en mars 1946, l’abolition du travail obligatoire fut adoptée à l’unanimité, sans vote, grâce à notre alliance tactique »[15]

Au fur et à mesure que la guerre froide s'affirme, l'alliance communiste devient de plus en plus préjudiciable pour le RDA, d'autant plus qu'en 1947, le PCF passe dans l'opposition. L’administration française manifeste une hostilité grandissante au RDA et à son président qu'elle apparente à un « Stalinien »[1]. Les tensions atteignent leur apogée au début de 1950[6], quand, à la suite d’un incident, la quasi-totalité de la direction du PDCI est arrêtée[16]. De dangereuses émeutes éclatent en Côte-d’Ivoire[17]. Pour désamorcer la crise, le président du Conseil, René Pleven, confie à son ministre de la France d’outre-mer, François Mitterrand, la mission de détacher le RDA du PCF[7].

Conscient d'être dans une impasse, Houphouët-Boigny accepte de rompre avec les communistes en octobre 1950[1] et oriente le RDA vers une gauche modérée. Lors des élections législatives de 1951, il présente une liste commune avec le parti de Mitterrand, l’Union démocratique et socialiste de la Résistance (UDSR) dont l’affiliation devient officielle en 1952[1].

La réhabilitation et l’entrée au gouvernement

Conservant l’image d’un communiste, bien que s’en défendant, il est le seul député RDA réélu en Côte d’Ivoire en 1951[1]. C’est pourquoi, il prononce le 24 août 1951 un discours à l’Assemblée nationale où il conteste le résultat des élections qu’il déclare entaché de fraudes. Il dénonce aussi l’instrumentalisation des députés d’outre-mer comme « machines à voter »[1]. Houphouët-Boigny et le RDA vivent alors une véritable période de purgatoire avant de renouer avec le succès en 1956[17] ; lors des élections de cette année, le grand parti de masse africain reçoit 502 711 voix sur 579 550 suffrages exprimés[1]. Son leader, désormais, fait figure de modéré[1].

Nommé membre de la Commission du suffrage universel, des lois constitutionnelles, du règlement et des pétitions, Houphouët-Boigny entre également au gouvernement le 1er février 1956 en qualité de ministre délégué à la présidence du Conseil dans le gouvernement Guy Mollet ; poste qu’il occupe jusqu’au 13 juin 1957[1]. Sa principale réalisation, dans ces fonctions, est la création d’une organisation commune de régions sahariennes qui permettrait d'assurer l'indépendance énergétique de l'Union française[1], et de contrer les revendications territoriales marocaines dans le Sahara[18].

Par la suite, Houphouët-Boigny devient ministre de la Santé publique et de la Population dans le gouvernement Félix Gaillard du 6 novembre 1957 au 14 mai 1958. Il essaie de réformer le code de la santé publique[1].

Il est à de nombreuses reprises, ministre d'État sous :

En cette qualité, il participe à l’élaboration de la politique africaine de la France, notamment dans le domaine culturel[6]. Sous son impulsion seront créés le Bureau des étudiants de la France d’outre-mer, et l’Université de Dakar[6]. Le 4 octobre 1958, Houphouët-Boigny est un des signataires, aux côtés de De Gaulle, de la constitution de la Ve République[20]. Le dernier poste qu’il occupe est celui de ministre conseiller du gouvernement Michel Debré du 23 juillet 1959 au 19 mai 1961[19].

Publié dans CÔTE D'IVOIRE

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